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Courir c'est la Vie !

Du Trail & du Plaisir ! Récits de courses mémorables entre nous

DIAGONALE DES FOUS 2017 : L'Aventure Humaine

Faux plats à venir !

 

UN PETIT MOMENT QUE JE L’ATTENDAIS CETTE DIAG..

Entre peur et excitation, je vous livre un récit en toute sincérité sur ce qui est ma plus incroyable épreuve sportive !

 

Jeudi 19 octobre 2017: nous voilà enfin le jour J, après avoir retiré le dossard la veille, fait l’objet d’interview (LOL), préparé ses sacs de ravitaillement, il est temps d’aller se diriger vers le SAS d’accès où le matériel obligatoire est contrôlé. Passé cette pénible formalité due à l’incivilité de certains "pressés", me voilà enfin dans la zone d’attente. Il n’est que 19h45, le départ est à 22h !

Je suis, a priori, détendu. Assis, je partage cette attente avec Ludo (BRAVO à toi pour la suite mec !) qui semble aussi assez zen et l’on discute de stratégie, surtout en début de course où le volume de coureurs se transforme souvent en goulet d’étranglement à DOMAINE VIDOT, km15 et qui peut peser sur le chrono voire les barrières horaires.

Avec Ludo, on est impatient et mal assis !

21h10 : J’avais pu le constater en tant que spectateur en 2016, les coureurs se lèvent « pour rien » ! Le départ est dans 50 min ! Bon pas le choix, faut se lever au risque de se faire marcher dessus ! En me levant, je ressens une douleur assez marquée au bas du dos…bref

Les élites en profitent pour passer, du Thevenin, du Guillon, du Walmsley, Puy, Huser,  Giraudel, Chorier, Pommeret, bref, du lourd bien que mon mentor soit absent, occupé à récupérer du record du John Muir Trail qu’il vient d’atomiser ! En se pressant un peu, il aurait pu prendre le départ Mr François D’Haene ! ;-)

21h45 : tout s’accélère :

Enfin, l’organisation retire les barrières des fauves dont je fais partie. On s’écrase mutuellement pour rallier les 200 mètres jusqu’à l'arche officielle de départ ! Malheur à celui qui a mal préparé son sac ! L’ambiance est énorme, les gros "BEATS des 6kW de son, des sourires ou des visages fermés, chacun se fait sa bulle ou s’interroge ?!

Ca se précise, et quelle chaleur !! (humaine)

22h00 : 10,9,8,7,6,5,4,3,2,1 : goooooooooooooooooooooo

« on vous veut tous à la Redoute » lâche le speaker… « Oui, oui… Ce n’est pas comme si chaque année, il y a entre 30 à 40% d’abandons…. » pensais-je..

Adieu monde cruel !

22h00 et 2 secondes : LA FOLIE nous empare, jamais je n’ai vu une telle ambiance sur le départ, les cris d’encouragements, d’émotion, de joie saturent l’espace de course. On est transcendé par tous ces applaudissements, le feu d’artifice pour l'occasion ! les drapeaux bretons, créoles,  les odeurs de Zamal ( !?) et d'alcool, et ce public surexcité, au moins autant que nous ! Nous sommes ivres d’émotions, on se laisse porter par ces acclamations ! Mais j’ai la tête sur les épaules, dans 1 petit km, première pause !!  Celle pour faire une "dernière" photo-câlin à ma fille pour me galvaniser un max !!

Alors, malgré tous ces Fous qui dévalent sur le front de mer de Saint Pierre, je m’arrête, vite fait bien fait, un bisou, une tof' et cette fois GO Papa !!

Adieu Papa !!

Les premiers kilomètres, en pente progressive, sont toujours d'une incroyable ferveur populaire, c’est époustouflant, impossible de rester de marbre même pour le plus concentré des Fous . Quelle ferveur, quel pied ! Cela va durer 4 bons kms, le temps de rejoindre les premiers champs de cannes privés !

Il fait chaud, il fait humide, la chaleur générée par tous ces fous est telle que déjà mon tee shirt est une  serpillère, ça promet !

Le bal des frontales est bluffant, ça m’évoque naturellement mes Saintélyon mais ici l’ambiance est tellement plus festive ! Les kilomètres passent bien, je prends un rythme tranquille et double calmement quelques dizaines de coureurs. Il n’y a aucun sur-régime, je fais du 5’30-6/kil et en montée, je maintiens un petit footing lorsque beaucoup marchent. C’est un choix assumé car il y va y avoir saturation à DOMAINE VIDOT..Donc quitte à marcher "contraint", autant le faire en bonne place dans le peloton qui pourra bien s'étirer sur 165 kms !

KM15 - 1h44 de course, DOMAINE VIDOT, 640 D+, 903 ème : après avoir prévenu (mais pas vu) Sarah LAPATHIA (groupe marathon addict) de mon passage imminent là où elle est bénévole, je fais un ravito express qui se limitera à profiter de la foule, crier «  la Réunion lé la ? », recharger mes 2 speed flask, avaler un bout ou deux de saucisson et hop, on repart !

NUIT 1 : QUAND L’OBSCURITÉ S’INSTALLE DANS LA TÊTE….

Sourire de Photo car mal au dos !

Malgré l'objectif chronométrique tenu (1h45 env.), plus de  bouchons que prévus se forment au sortir de VIDOT On est donc parti pour grimper à la "queue leu leu" pour 10 kms… C’est pénible, ça m’agace bien que cela faisait partie des éventualités envisagées. Le temps d’une déconcentration en grimpant, et paf, je me prends une bonne branche sur le crâne qui me cloue au sol. Ça c’est fait… Je me relève, on s’inquiète pour moi, ça semble aller, les dents ont tapé entre elles et le dos me fait encore un peu plus mal mais bon…

La montée est longue, par à-coups. Le vent s’installe vers Notre Dame de la Paix, il est temps de sortir la veste. Un petit 5° qui change bien des 30° du départ. Depuis cette chute et ce mal de dos, je suis sorti de ma bulle. Et cette marche en file indienne, ce n’est pas ce que je voulais sur cette DIAG. Pas après pas, ça ne m’amuse déjà plus du tout. J’ai envie de footing, de liberté, de partage. Là, on est tous comme des cons les uns derrière les autres. Je prends sur moi, mais au fond, je n’y suis plus…

Les douleurs aux dos s’installent définitivement au sortir de NOTRE DAME DE LA PAIX (km 25). Je ne peux plus courir. Plus inquiétant, même en marchant je souffre. Une contracture s’installe, je ne le saurai qu’après…

KM 30 - APRÈS NOTRE DAME DE LA PAIX : je perds déjà beaucoup de place puisque je n’avance plus. Je m‘arrête même. Je m’allonge dans l’herbe à la recherche d’une position antalgique pour mon dos, mais le froid s’installe bien vite dans le dos. JE SORS MENTALEMENT DE LA COURSE, j’éteins ma frontale pour réfléchir. L’obscurité s’est installée dans ma tête. L’abandon va trotter dans mon esprit toute la nuit…

Un flot incessant de coureurs dévalent les hectomètres de descente qui se présentent à nous. Moi, spectateur de ma défaite, je les regarde. La DIAG est terminée me dis-je. Le dos n’en finit pas de me faire souffrir. Je ne peux rien faire. Je suis un zombie, je titube, j’erre dans les sentiers. Croyez-le ou non, je ne pense qu’à stopper cette course raté trop tôt et soigner ce dos…C’est la cata…

KM 35 - PITON SEC, une zone bitumée de la route du Volcan. J’ai 2 choix…

  • Choix 1 : Je peux appeler ma « logisticienne » pour qu’elle vienne me chercher et je n’aurai plus qu’à’ rendre mon dossard, déprimer, et me soigner.
  • Choix 2 : Je m’accroche au wagon des traileurs, et, quitte à ramper, je tiens jusqu’à PITON TEXTOR où se tient une infirmerie la-bas et on avisera

LE CHOIX 2 retenu, l'égo mis de côté la désillusion totale, « Flo, t’es bel et bien sur la Diagonale là, réveilles-toi ! ».« Bah oui mais j’avais pas prévu ces pépins physiques, du moins si tôt » 

Alors je m’accroche, je tiens plus ou moins les marcheurs et ça grimpe encore sévère jusqu’à  TEXTOR..

KM 40, 07h15, TEXTOR ; D+ cumul 2600m, 964ème

Il est temps de faire le point avec  la clairvoyance d'une nuit blanche : je ne peux courir, je marche lamentablement, je n’imagine même pas les descentes dans cet état. Le temps de recharger les flasques comme si je faisais encore partie de la Course, je me dirige vers cette infirmerie en me tenant le dos. J’ai mauvaise mine, j’ai le moral au niveau de la croûte terrestre et ce p....n de scénario imprévu… De plus, lorsqu’on rentre à l’infirmerie c'est rarement pour repartir...

43 min se passe…Le doc' me masse. "Blocage mécanique du dos et contracture" Youpi.. Le doc' me manipule. Le doc' me met de l’arnica . Le doc' n’est pas rassuré sur mon état, si tôt dans la course. L’infirmière me donne le gramme de Doliprane qui va bien."Allongez-vous un peu, attendez et vous deciderez ensuite"

Et puis, je me relève…Debout, moins de douleur. Le soleil est haut, mon enthousiasme le rejoint.

Le moral est de retour, le dos va mieux !

08h00 du mat' : Je remercie et sors de la tente, !! Je trottine et miracle !! Plus de douleurs dorsale !!! INESPÉRÉ ! Que s’est-il passé ??? J’en sais rien ! L'esprit conquérant est de retour mais la confiance au dos toute relative. Le soleil me réchauffe pour attaquer la descente vers Mare à boue et, bien que musculairement c'est toujours pas ça, je savoure le fait d’en être à nouveau ! Je n’ose imaginer le classement qui doit être catastrophique. Avec les arrêts et le passage chez le DOC, j’accuse déjà au moins 1h30 d’arrêt qui n’était pas dans mes "prévisions"...

« Et merde, la Diagonale c’est ça, des hauts, des bas, des imprévus ! »

Après avoir passé une nuit complète avec des idées plus noires que noires, l’enthousiasme me porte vers le Piton des Neiges ! Hop Hop Hop, hold on guy !

Le doute et L'envie s'entrechoquent

JOUR 1 : LE PHYSIQUEMENT AUX ABONNES ABSENTS MAIS LA GNIAK PRÉSENTE !

La descente vers Mare à boue s’est bien passée, je suis resté en coupe-vent car le coup de froid à 2000m est toujours possible bien que le soleil nous caresse. Je double un peu et je prends le temps des photos du piton des neiges qui,ce matin, s’offre à nous ! Je m'hydrate et reste vigilant sur ce que je fais descendre dans mon ventre.

Manifaïk !

KM 49, MARE A BOUE 09h45 de course, 07h45 du mat

T'as assurée grave ! un IMMENSE merci pour tout !

Ma logisticienne m’attend peu avant le ravito officiel, purée ça fait du bien ! Je ne me voyais même pas arriver là jusqu'à cette nuit…Elle ne me parle pas de mon classement mais on se comprend. Elle a l'intelligence du silence du moment qui vaut 1000 mots. Et ces silences me renforcent car ils me font aller chercher La Ressource. Merci Lisa !

 

Puis je me détends par la déconnade, je me change en partie (quel bonheur !), je m’allège un peu et je la remercie ! Direction le ravito officiel pour un peu de légendaire riz/poulet à 08h00 du mat’ ! Trop bon ! Je regarde les gens autour de moi, finalement on est pas si différent. Des visages déjà creusés, des doutes, des gens qui dorment, des strap…

A cet instant, je crois bien être enfin entrédans le cœur de la DIAGONALE, en Acteur. Maintenant, vais-je la survivre ?

Après une pause sans doute un peu trop longue, je repars avec une connaissance professionnelle - pour pas longtemps - (il a abandonné ensuite apprendrai-je :-(  . Direction CILAOS mais en affrontant Mare à Boue  (10 km et 700 D+) et sa descente terrible du Kerveguen…(2.3km et 800 D-)

Pas vraiment d’énergie encore mais assez peu de monde me double, je croise un ami qui me passe sans trainer alors qu'on à le même "niveau" pour avoir couru ensemble! Ca, ça vous plombe un Flo ! Mais bordel, je n’avance définitivement pas sur cette portion que je connais pourtant bien. Positivons : Le dos ne me pose plus de souci, Négativisons : les guiboles ne sont pas à la fête !! Alala, moi qui suis plutôt bon grimpeur, je me traîne !! Cependant, les points de vue sont somptueux, Cilaos est splendide et j’essaie de garder en leitmotiv cette « chance » d’être là !

Allez, direction le Kerveguen !

On arrive après 2 heures de grimpette sur cette terrible descente : 2.3 kms et 850 de D- sur sentier single track à flanc de rempart, dangereux, mortel (si, si) et usant…Pour ma part, être les uns derrière les autres ici ne me dérange pas. Ce n’est pas là qu’on gratte du temps par contre on peut franchement se blesser.

Au bout d’1h05, on termine cette foutue descente du Kerveguen et s’ouvre à nous quelques kms de bitume et une chouette Cascade du Bras de Benjouin, la casquette saharienne prend sa douche et y'a plus qu'à remonter pour rallier le GROS ravito de CILAOS ! Hold on !

Cascade du Bras de Benjouin - L'eau froide sur les guiboles où le retour aux plaisirs authentiques par 30°

KM 67,  CILAOS, 14h25 de course : D+ cumulé : 3256m

Je m’étais fixé d’arriver « au pire » à 12h à Cilaos. Ce chrono confirme donc ma méforme. J'embraye chez les kiné pour vérifier ce dos, fragile au demeurant. Mon kiné « perso » s’occupe de moi au bout de 15min d’attente. Il me rassure et s’étonne « vous n’arrivez que maintenant ?? », « Bah oui, tout ne s’est pas passé comme prévu ». Je lui raconte mes galères de la nuit, mon envie d’abandon omniprésente. Il me répond : « STOP, à force de penser négatif, on se créé son échec et musculairement vous êtes bien » (BIG massage avec ses GROS bras, j'ai ramassé !)  « Ça va tenir, ALLEZ ! ».

Bordel, je me ressaisis. Mais oui, « ÇA VA ALLER !! Il reste 97kms ! »

Ça parait rien, mais avec le recul, le kiné m’a beaucoup apporté, il m’a redonné cette confiance qui m’avait quitté depuis cette branche et ce dos bloqué !

Je repars, mentalement refait, et physiquement pas trop mal ! (comme quoi…)

Je tourne dans le stade de Cilaos, à la recherche de mon ravito "pro-perso" :  INTROUVABLE ! Punaise, du coup, pas de sac logistique, pas de rechange. Je demande à l’orga, personne ne sait où il s'est installé. Et l'horloge qui tourne, ça me gave. J’ai très envie de repartir mais se changer avant le "Big First" qui nous attend ca serait pas mal du tout ! Après avoir interrogé tant de personnes, j’apprends enfin que « mon » ravito est sur le parcours mais après CILAOS. Argh. Je trottine, espérant voir la tente ! Eh oui, la voilà, éloignée de 500m du stade. Cool. Changement complet de tenue, je réfléchis à la suite, une bonne douche froide, de la discussion, on s’occupe de moi (taping dorsal, massage, taping genou! Merci à tous ! bon, L’horloge tourne beaucoup trop mais tant pis… C’est peut-être un mal pour un bien…

De là, un autre pote qui m’avait déposé à Mare à Boue, souhaite repartir avec moi ! Sacrée pause pour lui, pas loin de 2h quand moi j’ai perdu 1h (vraiment) à chercher mon soutien !

Retapé à Cilaos, bien que les cernes commencent à squatter ma tronche !

Ok, on repart ensemble, dans une tenue sèche et adaptée à la suite : la chaleur de l’après-midi et la montée de Cascade Bras rouge enchaine par le redouté TAIBIT. Tout va plutôt bien désormais. Exit les bobos, exit les doutes. Les jambes semblent vouloir donner !!! Bon, on marche tranquilou, un peu trop à mon gout mais ça permet de peaufiner la récup, de patager avec d’autres fous !

Après une pause photo sur cette belle cascade, on attaque du gros D+. Il fait chaud, je bois peu mais régulièrement. Je me sens bien. Souvent j’attends mon pote. Plusieurs fois, il me dit « vas-y si tu veux, Flo ». Ça me trotte dans la tête..

Cascade Bras rouge, enfin un replat !

Je me sens de mieux en mieux en montée. Je marche dynamique et par 30° dans la tronche, y’à intérêt à se connaitre en montée lorsqu’on est parti pour 3h quasi non-stop !

KM 72 PIED DU TAÏBIT , 17H52 DE COURSE : PIRE CLASSEMENT : 1384ème

La pause et la perte de temps excessive concédées à Cilaos n’arrange rien au classement. Je me résous à avancer, point barre. Au pied du Taîbit, encore une agréable rencontre : mes formateurs en plongées, des anciens, des sages. Il m’accueille avec sourire et encouragements, parmi les applaudissements d’une foule en délire !  JE ME SENS BIEN, JE ME SENS DANS CETTE DIAG..

Une pause encore trop longue à mon goût, mon pote de marche se sent cramé au pied du Taïbit. Je patiente.

Et l'on attaque cette fameuse ascension. Franchement et enfin, aucun problème pour moi, je l’ai déjà faite, je connais l’effort, ça monte sur 800d+ sur 3.7km en lacet mais ça ne m’inquiète pas. Au contraire. J’apprécie, Je double enfin de manière claire des Fous mais que je perds 1 minute plus tard car j’attends mon pote, qui répète inlassablement « vas-y Flo! ». L’accueil à Ilet à Salaze et la plein de tisane « ascenseur » au premier tiers de la "grimpette" continue de me charger en énergie positive...

La Tisane ascenceur m'a donné des ailes !
Sans commentaire !

Je suis zen, je ne m’excite pas car j’arrive à prendre du plaisir dans une montée qui en ferait résorber plus d’un après 72 kms..  Fin du Taïbit

Tout va B.I.E.N !!!

Redescente Vers Marla en groupe, on tchatche c'est agréable !

KM78 : MARLA, D+ Cumulé 4578m 20h40 de course, il est donc 18h40  CLASSEMENT: 1375ème

La nuit tombe à l’arrivée de ce ravitaillement de Marla, très accueillant. Je vois beaucoup de gens dormir, sous abri ou à l’extérieur. Après mon protocolaire casse-croute (soupe vermicelle, saucisson fromage), on se "force" pour le premier micro-dodo de 20min pétante. Pourquoi pas ! On va attaquer la deuxième nuit dans le redouté cirque de MAFATE, souvent juge de paix sur cette DIAGONALE..

"Driiiiiiing" le téléphone sonne ! Nos corps s’extirpent de la couette, mon esprit va alors décider de se laisser emporter.  La nuit vient de tomber, ça me renvoie à la nuit précédente...

On repart vers 19h40, je ne l’oublierai JAMAIS cette heure là…

 

NUIT 2 : ET LA SURCONSCIENCE ME GAGNE

Je marche devant mon pote qui s’attarde au téléphone. Je marche vite. Je connais la portion qui nous attend. Entre crainte (car je l’ai fait en compet’ en aout 2016 et ça ne s'était pas super bien passé) et détermination (prendre une revanche sur cette déconvenue), je me surprend dans une fraîcheur physique et mentale malgré nos maigres minutes de sommeil. Je marche de plus en plus vite, mon pote m’a décroché au bout de 500m, je l’appelle, il répond, et soudainement, je prend LA DÉCISION, je me lance seul dans MAFATE et j’accélère, mon pote ne me répondra plus...

Une PURE ÉNERGIE me gagne, je monte vite, vraiment vite, pas un "grimpeur" ne me résiste sur la montée qui nous dirige vers la Plaine des Tamarins. C'est le début d'une seconde nuit dehors et je me sens frais comme après le meilleur dodo de ma vie ! J’augmente la cadence, J’arrive sur la plaine et puis LA GRÂCE ME TOUCHE !

Là où les Fous marchent tant bien que mal en colonne de 5 ou 10, ravagés par le manque de sommeil ou le moral en berne et les jambes lourdes, moi je cours, je zigzague parmi eux, avec ces rondins si piégeux et ces énormes cailloux impitoyables pour les cuisses. Lorsque ça grimpe je relançe, je trouve LE rythme qui me surprend, alternant harmonieusement marche et course ! Je double à n’en plus finir et j’entends les "doublés" se surprendre de me voir les déposer !  "es-tu en train de te griller jeune Padawan ?"

Je vois des corps sous des couvertures de survie par ci, par-là, moi je cours, je m'amuse, je ressens la Nature sauvage de Mafate et semble lui appartenir ! Le redouté col des Bœufs n’est qu’une formalité, je le grimpe vite, et je "me parle" dans la nuit « mais qu’est-ce que tu fais ? Qu’est-ce qui se passe ?», Je suis comme possédé, je ne suis pas essoufflé malgré le rythme et la pente, les jambes répondent, l’envie est là, le plaisir immense car auto-entretenu par cette remontée irrésistible que j’opère !

Enivré par les Arum ?

KM 87 : SENTIER SCOUT, CLASSEMENT 1115ème (pas connu à ce moment là)

je suis littéralement en transe, je sais déjà en tête la prochaine section et mon pote est sans doute bien loin, j’enregistre une vidéo pour lui où je lui confesse mes quelques regrets de l’avoir "laissé mais après qu’il m’ait dit tant de fois d’y aller et aux vues de l’état dans lequel je suis,  JE DOIS SAISIR MA CHANCE !

Le balisage de nuit était excellent, ce qui est bon pour l'allure quand on a la chance d'envoyer !

 

ILET A BOURSE, 96km, D+ cumulé 5447m, CLASSEMENT 1045ème (pas connu lors de la course)

Je trace dans la nuit sauvage, c’est un pur bonheur de traileur ! Ravito express, soupe vermicelle, je suis survolté, je suis dans Mafate et je suis chaud patate ! Je repars, le plaisir urge !! Rien ne m’arrête. Je visualise le symbolique KM 100 en motivateur ! Et Je poursuis ma déferlante, je double, que ça monte ou descende je double ! C’est le pied, je me sens en totale décontraction, j’ai une totale confiance en mes appui, en mes chaussures (qui ne me trahiront d’ailleurs jamais, "vive la XA ENDURO").

Mystique isn't it ?

J'appartiens à Mafate, et je vois les gens vomir, dormir, s’arrêter, marcher en colonne-zombie (chacun son tour !),tituber, mais moi, je cours ! Je suis l’acteur de ma Diagonale, eux ne semblent être que spectateurs, c’est très curieux ce sentiment perçu. Ma frontale fait le job, mes jambes répondent sans broncher, je double, encore et encore, je me sens en SURCONSCIENCE. Jamais je n’ai connu ça et c’est pas fini !!

KM 99 GRAND PLACE, CLASSEMENT 982ème (pas connu durant)

Après un dodo express « volontaire » de 20mn à Grand place car du "Très Lourd en D+" nous attend (concrètement : 18 kms et 2000m de D+ avec du D- dedans type destructeur de mollets, c'est monstrueux). Je repars, surexcité par ma pêche dont je me délecte "en temps réel" !!!

Le vent soufflait sur ces bambous gigantesques !

ROCHE PLATE : la "mal nommée" arrive, mais précédée de la non moins terrible descente de la ROCHE ANCRÉE. Interminables, épuisantes, harassantes, les mots me manquent pour définir ces sections qui sont les moments les plus fantastiques pour moi.

Tout est surréaliste : l'inclinaison de la montée, des Fous qui brutalement explosent, des frontales qui semblent dans le vide tellement la pente imaginée est folle et chaque marche qui est une épreuve pour les cuisses !

Courage, il en reste des milliers !!

Mais ma détermination semble inébranlable, les Fous décrochent au fur et à mesure. Moi, je tiens, jamais je ne me suis arrêté et personne n'a pu suivre la "loco-motive" !! C'est véritablement jouissif et je reconnais que sur ces sections de MAFATE, où l'on est tous en mode ultra-Warrior, on ne ment plus, et pour chaque traileur qui craque devant moi, c'est ma ténacité qui reprend du souffle ! MERCI A TOUS pour vos sms et post d'encouragements, dans ces moments là, c'est un vrai booster ! Et je "vois mon corps" avancer inlassablement, j'augmente la cadence après avoir annoncer mon côté de dépassement sans m'inquiéter de la suite ou du vide à 80cm !! C’est mystique avec ces frontales qui semblent bien être des lucioles en vol, ça promet du sacré D+ mais ça me motive et je m’amuse ! SUIS-JE FOU ??

Une ligne de vie qui en dit long, malheur à celui qui titube à droite !

KM 106 ROCHE PLATE.04h10 du matin…cumul D+ : 6519m, CLASSEMENT : 912ème

"Ouf, c’est fait" la plus longue et difficile montée que j’ai pu faire de toute ma vie de coureur !

"Et maintenant le pic Maïdo !! Argh !!" Et avant, 1 choix : Le jour se lève tôt, je suis tout de même entamé par Roche plate  « tu fais quoi ? »... Le temps d’un ravito express, deux minutes les jambes à l’envers et pour spectacle tous ces gens qui dorment sous leur couverture de survie, ça ne fait qu’un tour dans ma tête, malgré la fatigue, et le cerveau qui te demande de le reposer...

"JE REPARS !!" SANS CONCESSION, NON NÉGOCIABLE ET SANS TRANSITION ! PUISESDANS TES RESSOURCES CAR TU LES A, TU T'ES ENTRAINE POUR CA !!

Avec courage et détermination, je dois profiter de l’Etat qui me touche encore afin de pouvoir espérer m'extirper du Maïdo et donc de Mafate avant le lever du soleil et ses chaleurs qui l’accompagnent !

4.5kms, 850m de D+, c’est ça le rempart du Maïdo et c’est de la peinture sur caillou qui indique la progression en % effectuée…

Et le Délire continue continue, personne ne suit ma cadence, et je rattrape du monde qui ne s'accrochera pas à moi ! Biensur ça pique grave, ça pique dur mais j’ai la volonté tenace et qui m'aime me suive  ! (personne sur le coup là LOL!). Les guiboles souffrent mais qu'est-ce qu'elles donnent ! Et puis, j’ai préparé cemoment en entrainement : "après le Maïdo, c’est « presque » gagné !"

Lever de soleil au Maïdo !

Allez, nous tien bo !! et j’arrive à sortir du Maïdo vers 06h15 du mat’ où ma logisticienne perso m’attend qui m'a hurlé d'encouragement sur les extrêmes décamètres de D+ du Maïdo !

MAÏDO TÊTE DURE : 114km, 32 HEURES DE COURSE, classement : 801 ème, cumul D+ : 7600m

Purée ce Maïdo, ca pique !

Changement de tee-shirt, je recharge mon tel, ma montre, mes flasques. J’hésite à changer de chaussures vue la longue descente qui arrive. Mes genoux n’aiment pas trop les  D- qui « tapent ». Finalement, je garde mes pompes qui m'ont tant apporté cette nuit ! Je quitte mon ravito, file 1 km plus bas au ravito officiel pour le chronométrage (il est donc 6h42 du mat') pour faire strapper mes genoux. Il fait beau, j’ai la patate, la gniak, l’envie d’en découdre et de ne rien lâcher ! L’infirmerie me change mes bandages et je repars, oui je repars…SAUF QUE...

...je repars tellement bien que j’en oublie mon téléphone dans la tente infirmerie !!!! Biensur, je ne m’en aperçois qu'après un bon 600m de descente et là, remonter gratoss, j’enrage ! C’est dur mais pas le choix. J’ai besoin de mon tel, pour ne serait-ce que pour caler le rendez-vous avec ma fille pour l'arrivée et d’autre part continuer à faire des vidéos ou photos souvenirs !

Et hop, un aller-retour et environ 45 minutes et des kms « cadeau » si je puis dire. Je récupère mon téléphone, agacé, inutilement fatigué et re-direction « Sans souci » avec cette pénible descente précédée de nombreuses montagnes russes toutes aussi usantes en sous-bois….Jamais de répit en fin de compte !

KM 126 SANS SOUCI, SAMEDI 21.10, il est 09h45, 35 heures de course. CLASSEMENT : 808ème

 

Pas de souci à Sans Souci !

Longue fut cette descente, du temps et des places perdues avec la mésaventure du téléphone et aussi parceque les genoux couinent. Un GROS ravito qu'est SANS SOUCI où je dévore la fameuse crêpe au chocolat, je me rince le visage, je change de tenue, me fais masser et fais changer me straps qui n’ont pas résisté à la descente. D’ailleurs, ils étaient vraiment mal posés.

Je repars vers Rivière des Galets sur une portion que je connais partiellement, le moral est bon, le manque de sommeil commence à peser mais la détermination et l’envie d’en finir prennent le dessus ! Tant pis les genoux HS, le TFL, le compartiment externe ou les PSOAS douloureux! Je traine ces problèmes depuis des années c’est donc pas maintenant qu’ils vont m'arrêter !

Passage à gué et gros coup de chaleur vers le Chemin Ratineau ! Une looooongue montée encore, entre maison et sentiers sous une chaleur écrasante. A peine changé, je suis déjà en nage, merde ! Des chouettes réunionnais nous offres des boissons en passant proche de leurs habitats et c’est avec plaisir ! Même de la mangue et de la patate douce ! L’hospitalité créole n’était pas à démontrer mais lorsque l’on fait la DIAG', ca vaut de l’or ! Merci à eux ! Vous êtes FORMIDABLES de générosité !! Je continue de doubler mais avec une forme moindre. Les dégâts de la descente sont bien là.

Souple sur les pattes arrières, pour traverser la rivière des galets ! KM 130

CHEMIN RATINEAU : KM136, 8260 de D+ cumulé, classement 718ème

Redescentes difficiles et caillouteuses et sentiers roulants rythment le chemin vers la Possession. Que c'est bon de faire du 5 au kil ! Sans connaitre précisément mon classement, j’ai des sms qui m’indiquent que j'ai cartonné cette nuit ! Ça me requinque et la saveur de l’arrivée commence à gagner mes papilles, c’est dingue !!!

Il n'y parait pas mais la chaleur nous écrase ici !!

LA POSSESSION : 144 KMS, CLASSEMENT : 689ème, 40h de course

Encore une fois, arrivé à la Possession, je dois changer mes strap qui ne supportent pas la sueur ! Un repos forcé mais salvateur car j’ai vraiment pris un gros coup de chaud ! Musculairement, ça devient raide, mais qui ne serait pas ainsi après 8391m de D+ ?!

Je repars, appréhendant la « fin » qui n’est vraiment pas simple…Le redoutable chemin des anglais : des montagnes russes sur gros cailloux noires absolument pas stables, ni bien posés, le tout avec le soleil de 15h réverbérant dessus ! L’horreur. Cette portion est écœurante, mais c’est pour tout le monde pareil, alors on prend sur soi, on discute avec les compagnons d’infortune du moment, on avance péniblement mais chaque pas reste une victoire !

Le sentier des Anglais, fait par des Français, pffff !
Ti pa Ti pa ! Ca va le faire mais ou est le reponsable de ce sentier, j'ai deux mots à lui dire !

151 KMS, GRANDE CHALOUPE : 42h de course,CLASSEMENT : 667ème

Une grosse pause, avec un ravito perso et j'emporte avec moi le tee-shirt finisher (port obligatoire pour l’arrivée dixit le règlement) et profite d’un massage avec une équipe aux petits soins, et du temps perdu encore à les trouver! ! Grrrr ! décidément…

"Allez" du courage, on repart, mes jambes sont des piquets, c’est officiel ! Nous revoilà proche de la civilisation, la route du littoral est à notre gauche pendant que l’on se prend 700m de D+ dans la tronche avec de nouveaux cailloux chaotiques ! La montée est longue, difficile mais désirée puisque c'est la DERNIÈRE  : le Colorado ! Je prends mon temps sur cette portion, un peu trop peut-être. Les traileurs commencent à débriefer sur ce qu’ils sont en train de « construire ». Moi j’envoie un sms précisant mon passage à Colorado pour caler la présence de ma fille pour l’arrivée qui ne devrait plus m’échapper désormais ! :-)

Les 700 derniers D+ vers le Colorado !

COLORADO, KM 161, 44H42 DE COURSE, 9532 m de D+

Ça sent très très bon ! L’organisation effectue un contrôle de sac et nous oblige à ressortir la frontale. Eh oui, il est 18h40, il fait nuit ! Je commence à avoir des hallucinations et un peu la gerbe, tiens bon p…..n !!

Enfin, la dernière descente de 4kms, forcément pénible, saturée, où la joie d’en finir est étouffée par l’humeur de tous. On est les uns derrière les autres, c’est difficilement praticable et, pour ma part, mes genoux et mes voutes plantaires n’en peuvent plus. On descend donc leeeeeentement, je perds des places, tant pis.

Il est 20h09, le stade de la Redoute pointe son nez, je prends mon temps, ma fille doit être là, accompagnée de la fille d’un pote qui est hors délai, fais chier. Je vais cependant amener sa fille avec la mienne pour partager ce moment, c'est la moindre des choses.  Un petit 100m PLAT sur la piste pour la finish line ! On y va tous les 3!

Je la vois ! Ma fille a le sourire jusqu’aux oreilles et moi aussi ! Elle arbore deux pancartes « j’aime mon papa » et « mon papa est le plus fort, il est venu, il a vécu, il a vaincu ! » Énorme je t'aime ma fille Chérie !

« Donnes-moi ta main Nola !» ! C’est pour nous, ce modeste moment de gloire mais si MAGIQUE moment de BONHEUR, je trottine avec deux enfants, on m’applaudit, je savoure  je suis porté, je franchis le ligne d’arrivée en levant les bras de « mes » enfants ! Waouuuuuuuh, c’est fait !!!!

 

Le dernier mètre vers la Délivrance !

KM 165, LA REDOUTE, 46h10 de course

CLASSEMENT FINAL : 691ème sur 1830 finishers parmi 2543 partants

Ma montre indique 174 kms…en effet, je me suis fait du km gratoss en plus des erreurs de GPS….BON..lol..on est plus à ça prêt non ??? La TV est là, retransmission en direct sur Réunion 1ere mais je capte plus rien alors qu'on me suit en métropole en direct !!! Sur Facebook on m’a suivi et vous vous connaissez !!

3 finishers d'exception !!

974 MERCI A VOUS TOUS !!!!

Je plane, la fatigue s’évanouit le temps du câlin avec ma fille et puis le corps relâche et on l’on est ivre de bonheur et d'épuisement ! C’est Merveilleux.

LA DIAGONALE EST SANS PITIE MAIS L'ARRIVEE MERITE DE LA SURVIVRE !

Que retenir sur le déroulement

Une première nuit catastrophique et un dos à la ramasse, garant d'un abandon et pourtant, avec la volonté et la patience d'une journée intermédiaire , la seconde nuit est devenue "magique", porté par la Grâce où je me suis surpris, découvert, « impressionné » même ! Et enfin, un final un peu plus laborieux et paresseux !

Beaucoup, beaucoup de temps perdu. Le chrono : 46h10. Pour une première, je m’étais fixé 48h. Contrat rempli certes. Je sais désormais qu'en retirant simplement les «boulettes» je dois pouvoir me gratter 3h minimum. Mais chaque DIAG est différente !! L’avenir me dira si je suis capable de ce chrono mais ce n’est pas le plus important pour le moment.

Aujourd'hui, la manière dont je me suis repris me donne confiance dans mes capacités à me reprendre, lorsque le physique n'est pas au rendez vous et le moral oscillant !

L'ENVIE D'Y ÊTRE ET LA DÉTERMINATION A TENIR ONT ÉTÉ DÉTERMINANTS A N EN PAS DOUTER

   Ce samedi 21 octobre à 20h10, j’ai grandi. J’ai appris sur les autres, sur moi, sur l’ultra, sur la vie

Et puis, encore une fois, un joli pied-de-nez au cancer qui s'éloigne jour après jour. Va chier, loin de moi, loin de Tous.

Le marathon n’avait pas changé ma vie. La diagonale si !! Et Je suis officiellement FOU !

Merci à tous ! Merci de vos soutiens, avant, pendant, après. Pas sûr que je me rende encore compte ce que j'ai vécu et réalisé !

MERCI LA RÉUNION, LES RÉUNIONNAIS, L'ORGANISATION ET TOUS CEUX QUI ŒUVRENT POUR QUE DURE CETTE GRANDE FÊTE AU TRAVERS D’UN ULTRA HORS-NORME, CRUEL ET PASSIONNANT. MERCI A TOUS CEUX QUI ONT CROISE MON CHEMIN ET QUI SONT LA DIAGONALE : UNE AVENTURE HUMAINE ET INTÉRIEURE HORS DU COMMUN !

A bientôt ma Réunion ! Mi aime a ou
Les chiffres ! Grosse analyse à faire mais quel REVEIL dans MAFATE !

-----MONTAGE VIDÉO A VENIR ------ !

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